jeudi 27 septembre 2007

La misère ordinaire


Alors voilà. Je me retrouve sur le trottoir parisien, sans boulot, sans appart et sans mec.
Qu’est ce que j’ai été conne de tout lâcher pour lui ! J'appelle frénétiquement toutes les copines de province qui ont des contacts ici.

Après avoir financé un déménagement, abandonné tous mes meubles et la moitié de ma garde robe, j’avais accueilli les soldes comme une pluie dans le désert. Et elles avaient achevé la désertification de mon compte en banque. Le prix d’une nuit dans un hôtel parisien équivaut a la dette extérieure d’un petit pays d’Amérique du Sud. Option exclue d’office.

Je me pose sur le banc vert bouteille sis juste en face de la porte cochère de l’immeuble de l’Homme. Les gens me jettent de drôles de regards. Ce doit être la morve qui coule le long de mon visage ou mes cris de louve, parce qu’un clochard pourrait crever aux pied d’un Parisien sans qu’il s’en émeuve. L’expression avide des gens qui me regardent subrepticement en se pressant vers le métro me laisse penser que ma douleur leur offre leur orgasme du jour. La jouissance d’imaginer ce qui a pu me mettre dans cet état .

Pas bien difficile à deviner : une jeune femme morveuse qui brame au pied d’un immeuble avec un fourre tout bourré de fringues à la va-vite aux pieds, nul besoin d’être grand grec pour se figurer ce qui se passe. La jouissance de ne pas être a ma place. Ou la jouissance de voir quelqu’un qui souffre plus qu’eux.

C’est assez fréquent dans les grandes villes ou la vie n’a guère plus d’importance ni meilleur goût que la pellicule de crasse grise qui recouvre les façades. Etre témoin d’un peu de mortification ordinaire : le clochard tabassé par le bougnat du coin, le chien heurté par une voiture ou une dégénérée tatouée geignant au pied d’un immeuble aux porte closes .

Avec les nouvelles lois sur la limitation de vitesse en ville, c’est pas tous les jours qu’ils peuvent contempler de la tripaille à l’air, ni se bercer des cris d’agonie, alors ils se délectent des rogatons de la misère ordinaire.

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